L’improbable futur des langues amérindiennes

Quand j’étais enfant, je pensais que les Indiens dans les films Western ne parlaient qu’une seule et même langue. Depuis, je me suis approfondie dans cette civilisation exceptionnelle et je sais que c’est complètement faux. Si le sujet des amérindiens vous intéresse, j’ai écrit plusieurs articles sur les « native americans » : leur triste sort, un article sur la ville de Benton, la décision de Trump de réduire le territoire des monuments nationaux au Utah, et deux articles sur la ville de Oatman, Olive et aussi l’envers du décor de Havasupai et des pauvres mules et chevaux.

Même si de nombreuses organisations linguistiques ont essayé de le définir, il est probablement impossible de mesurer l’ampleur réelle de la disparition de la culture et des langues amérindiennes aux Etats-Unis.

Selon l’Encyclopédie Columbia, 15 millions de personnes parlaient plus de 2.000 langues amérindiennes dans tout l’hémisphère occidental au moment de l’arrivée de Christophe Colomb, seules 175 langues existent toujours en Amérique et sont parlées par 360.000 personnes.

Nul n’ignore à quel point la colonisation a eu un effet néfaste sur la culture des autochtones. Au milieu du XXe siècle, déjà les deux tiers de leurs langues s’étaient définitivement éteintes. Les centaines d’années de guerres, de 1492 à 1900, ont fait passer les amérindiens de 10 millions à moins de 300.000 (le point le plus bas de toute leur histoire) avec pour conséquence la disparition de la plupart de leurs langues et coutumes. Dès 1860, les indiens furent soumis à un programme d’assimilation culturelle obligatoire dans les écoles où il était interdit aux enfants de communiquer dans leurs langues tribales, de pratiquer les religions indigènes et de porter les costumes traditionnels. On imagine facilement à quelle vitesse les jeunes ont perdu l’habitude de parler leur langue.

Native American

Bien que la plupart des langues « survivantes » soient également sur le point de disparaître, certaines continuent à perdurer comme la langue Navajo, langue amérindienne la plus parlée aujourd’hui, avec près de 170 000 locuteurs.

Pour rappel, la langue Navajo fut utilisée comme code lors de la deuxième guerre mondiale à cause de son extrême difficulté. Les Navajos sont l’unique tribu dont les étudiants allemands en anthropologie n’avaient pas étudié le dialecte, qui est par ailleurs tout aussi incompréhensible pour les autres peuples amérindiens. La Navajo a donc offert une parfaite codification face à un ennemi incapable de déchiffrer le moindre mot.

Navajo

La deuxième langue autochtone la plus commune sur le sol américain est le yupik (presque 20.000), parlée principalement en Alaska. Parmi les 2,7 millions d’Indiens d’Amérique recensés en 2016, 73% des personnes âgées de 5 ans et plus ne parlaient que l’anglais.

De nos jours, de nombreux programmes visant à préserver les langues amérindiennes existent mais ils sont difficiles à mettre en place car les langues sont très différentes. Contrairement aux idées reçues, elles ne proviennent pas d’un seul protolangage, contrairement à la famille indo-européenne. A cela se rajoute qu’elles reposent sur les traditions orales comme les danses, les récits, les légendes et que tout cela meurt avec les anciens. De plus, la presque totalité des textes écrits ont été détruits lors de la colonisation.  Toute cette extraordinaire quantité de connaissances à savoir les valeurs spirituelles, l’écosystème, la faune, la flore, la géographie, la médecine par les plantes ont été anéanties ou modifiées parce que les langues d’origine exprimant ces concepts ont disparu ou ne sont plus bien compris.

Conservation des langues amérindiennes

Le Navajo étant la langue la plus parlée, il est bien plus facile de mettre sur pied des projets visant la survie de leur patrimoine. Plusieurs écoles d’immersion ont vu le jour dans la tribu Navajo, des stations de radio sont diffusées en anglais et en Navajo, quelques collègues enseignent la langue Navajo et certains films sont même traduits.

Native Chief
Chief Joseph – Tribu des Nez Percés

En 2010, c’est grâce à l’Université Stony Brook que deux langues oubliées depuis 200 ans, le Shinnecock et l’Unkechaug, ont été partiellement ramenées à la vie grâce à une liste de vocabulaire écrite par Thomas Jefferson en 1791.

D’autres peuplades comme les Comanches ont trouvé un système pour garder leur langue actuelle. Ils enseignent aux enfants des chansons dans leur langue et sont à l’origine d’un dictionnaire autochtone permettant de les comprendre.

Ce sont ces histoires et ces petits espoirs qui feront retrouver un peu de la gloire passée du langage amérindien. Leur complexité et leur rareté n’aident pas à les remettre au goût du jour. Par exemple, le Sioux est composé de trois dialectes présents au Minnesota, au Nebraska, et au Dakota du Nord et du Sud. Le Yankton-Yanktonai est principalement parlé dans les réserves de Yankton et Crow Creek; le Téton dans les réserves de Cheyenne River, de Pine Ridge et de Lower Brule. Bien que l’Apache, le Cherokee et Choctaw ne comptent que 12.000 locuteurs, ils ont pourtant 5 branches de dialectes différents.  Souvent le langage écrit est très différent du langage parlé, comme indiqué dans un syllabaire en cherokee (dont la langue appartient à la famille iroquoienne). Ils ont inventé un système d’écriture dans lequel les symboles représentent des syllabes, pratiquement impossibles à déchiffrer si on n’est pas natif de cette peuplade.

Geronimo
Geronimo : chef Apache et homme médecine

Même si de nombreuses choses sont faites pour préserver ce morceau de culture amérindienne, il faut aussi reconnaître que les jeunes n’ont pas forcément envie de s’investir et de garder intactes leurs valeurs alors qu’ils sont la plupart du temps uniquement bercés par la culture américaine et que le passé leur semble tellement loin.

Native Chiefs
High Bear – Tribu Oglala Lakota

En attendant, je m’essaie à la prononciation avec l’historicien Navajo Wally Brown que je pourrais écouter pendant des heures.