Le lieu :
Ianni’s Club – Dallas, Texas (restaurant haut de gamme et discothèque branchée)
Les faits :
Le 29 juin 1984, Marcelle Ford, 32 ans, dansait avec Abdelkrim Belachheb, un marocain de 39 ans. Il lui a murmuré quelque chose à l’oreille, on ignore tout de la conversation, mais elle a été vue le repoussant furieusement.
Belachheb est parti en lui jetant un baiser, malgré son rejet. Il est revenu à peine quelques minutes plus tard avec un pistolet automatique de 9 mm qu’il a dirigé vers Marcelle Ford avant de tirer à plusieurs reprises. Belachheb est sorti recharger son arme, il est ensuite revenu à l’intérieur, tirant sans discernement sur la piste de danse bondée.
Il toucha six autres personnes, cinq furent immédiatement tuées (Frank Parker, Joseph Minasi, Janice Smith, Linda Lowe et Ligia Kozlowski).
Au moment où la police est arrivée, Belachheb était parti depuis longtemps et Marcelle Ford mourut sur le chemin de l’hôpital sans avoir révélé le sujet de la dispute.
La police retrouva près de 3 heures plus tard une voiture accidentée qu’elle relia très vite à Abdelkrim Belachheb. Ce n’est qu’à 3 heures du matin que Belachheb fut appréhendé chez un de ses amis. Il semble qu’il ait passé ses dernières heures de liberté en cavale à célébrer le dernier jour du ramadan.
Le 15 novembre 1984, Abdelkrim Belachheb fut reconnu coupable de six meurtres et condamné à la réclusion à perpétuité.
Le profil du tueur :
Certains le décrivent comme un homme poli et amical, parlant fréquemment de ses deux filles à l’étranger. Pour les autres, Abdelkrim Belachheb, semblait apprécier les boissons alcoolisées, les femmes et les voitures de luxe.
Un de ses amis aurait déclaré à la police que Belachheb, un homme de petite taille parlant anglais avec un fort accent, était souvent déprimé et aurait même tenté de se suicider parce qu’il manquait d’argent. Le curriculum vitae de Belachheb, obtenu par la police de Dallas, le décrit comme un homme d’affaires international: des écoles en France et en Suisse, des emplois à Bruxelles. Bref, il aurait voyagé dans toute l’Europe et le Moyen-Orient.
Quand on pousse plus loin l’analyse du tueur de masse, on se rend très vite compte combien il a exagéré ses réalisations – trichant sur la durée de certains emplois et en inventant d’autres. En moins d’un an, il a été licencié de plusieurs sociétés à Dallas et forcé d’en quitter une autre pour absentéisme chronique. La veille des meutres, il a quitté le restaurant Augustus à Addison, où il occupait le poste de maître d’hôtel, a récupéré son dernier chèque et remis son uniforme. Le jeudi, six personnes sont mortes dans un massacre atroce à Dallas.

Sa réelle histoire :
Belachheb est entré aux États-Unis à Los Angeles le 23 avril 1981. Il a ensuite épousé une citoyenne américaine et est devenu un résident permanent. Il a travaillé dans un restaurant à Los Angeles pendant un an, puis est venu à Dallas en 1982. Sa vie a été une série de petits boulots, souvent au salaire minimum. Il n’a jamais été capable de garder un emploi.
Pourquoi il n’a pas été exécuté :
Bien que les crimes aient été commis dans un État qui se targue d’être très sévère envers les criminels, la peine de mort n’était pas à l’ordre du jour pour le jury de Belachheb. Même s’il avait commis six meurtres et que sa culpabilité ne soit jamais mise en cause (malgré sa défense d’aliénation mentale), ses crimes ne sont pas des meurtres punissables de mort sous le régime des lois de 1984. La peine capitale est rapidement devenue le point central après les actes de Belachheb. On se souvient surtout des crimes de cet homme uniquement parce qu’ils ont conduit à l’adoption de la loi 8 du Texas sur l’« assassinat multiple ». Depuis cette tragédie, les meurtres en série et les tueries de masse sont devenus des crimes entraînant la peine capitale. Belachheb a donc bénéficié de cette absence de loi et a pu passer à travers les mailles du filet.
En outre, l’entrée facile de Belachheb aux États-Unis (malgré son bilan violent en Europe) met en lumière le filtrage laxiste de l’immigration à l’époque.

Belachheb a été condamné à la prison à vie et a été soumis à la sécurité maximale dans les dernières années de sa vie parce qu’il s’est souvent battu avec des détenus.
Il est décédé de mort naturelle à l’âge de 72 ans dans la prison de Amarillo en 2017.
Un livre a d’ailleurs été écrit sur son histoire : “Worse than death : The Dallas Night Club Murders and the Texas multiple murder law.
Sa fille :
Très belle femme d’une quarantaine d’années, elle est passionnée de voyages et de découvertes. Ce ne sont certainement pas ses longs cheveux blonds ni ses yeux bleus qui auraient pu me mettre sur la piste.
J’ai rencontré la fille de Belachheb dans le cadre du travail. Elle a changé de nom, je n’ai donc, à aucun moment, fait le lien avec le tueur. Elle n’aime pas en parler, une histoire encore trop douloureuse pour elle. C’est au détour d’une conversation sur la difficulté d’aller de l’avant avec des démons du passé, qu’elle m’en a parlé et je la remercie. Je lui ai promis de ne pas mentionner son nom et de toute façon cela n’apporte rien de plus à l’histoire.
Belachheb avait deux filles d’une épouse belge. Il a toujours été un mari très violent et battait régulièrement sa femme qui s’est retrouvée de multiples fois aux urgences. Lorsque sa fille ainée avait treize ans et la plus jeune 3 mois, il a quitté sa famille, laissant la mère se débrouiller seule. De son père, la cadette n’a que peu de souvenirs, les plus récents étant ceux de 2010 lorsqu’elle a été le voir dans la prison d’Amarillo au Texas.

C’est dans ce pénitencier à la sécurité maximale qu’elle a pu voir son géniteur pour la dernière fois. Elle a pu le rencontrer deux fois 4 heures. Après avoir entammé de difficiles négociations avec la prison Texane, le document accordant la visite lui a enfin été remis. Il lui a fallu prouver qu’il était bien son père (malgré un changement de nom pour elle) et produire un acte de naissance dans lequel le nom de Abdelkrim Belachheb était bien repris.
Quelles émotions quand il est arrivé au parloir. Belachheb a semblé très ému derrière cette épaisse paroi de verre. Longuemment ils se sont observés avant de finalement prendre le téléphone pour se parler. La langue française de Belachheb était étrangement devenue inexistante, il ne parlait plus qu’anglais. Ils ont discuté de son ex épouse, de sa fille aînée, de cette famille éclatée à cause de lui, mais jamais des meurtres. Ils ont longuement parlé même si, comme elle le dit si bien, ils étaient de parfaits inconnus. Il voulait tout savoir sur sa vie actuelle, son mode de vie et celle de sa soeur. Il était étrangement très calme. Il lui a demandé pardon d’avoir gâché sa vie, elle ne le lui a pas accordé parce qu’elle n’était pas prête. Elle voulait juste être en paix avec elle-même et se faire une idée de cet homme dont elle ne se souvenait que par ce que les autres lui en disaient.
Quelques années plus tard, elle lui a fait parvenir un courrier dans lequel elle lui expliquait que peu importe ce qu’il avait fait, elle lui pardonnait.
Elle ne l’a jamais revu, il est mort quelques années plus tard dans le pénitencier d’Amarillo.
Chaque personne pourrait être un tueur potentiel.