Croyez-vous en un Dieu, une puissance supérieure, un ange, un arc-en-ciel, une fée, bref appelez-le comme vous voulez, mais pensez-vous que quelqu’un vous protège de là-haut ? Moi, maintenant oui !
Nous avions quitté Santa Barbara de bonne heure, il y avait plus de 3 heures de route à faire pour atteindre l’arrêt suivant.
Sur l’autoroute 101 North, déjà pas mal de circulation, les voitures roulaient en accordéon tantôt à une vitesse normale, tantôt à l’arrêt. Nous avions décapoté la Camaro pour profiter de la chaleur matinale. A la hauteur de Ventura, nous dépassons sur une voie à cinq bandes un vieux camping car Citroën (je pense que c’est un Citroën mais je ne suis pas certaine) avec au volant un homme aussi vieux que son van. Le conducteur passait le bras par la portière et bougeait la main au rythme de sa musique. Je me souviens avoir pensé “Il a l’air heureux ce vieux Monsieur.”
Et tout à coup, ce fut le drame. Quelques mètres plus loin, les files se sont formées. Il n’y a eu étrangement aucun bruit de frein, rien pour avertir de la suite dramatique. Nous apprendrons plus tard que les freins du véhicule ne fonctionnaient plus. Le camping car a embouti avec force la voiture devant lui et a été déporté sur la deuxième bande où il a, dans un énorme bruit de tôle, heurté un second véhicule avant d’être entraîné sur la troisième bande où nous roulions. Ma mère à hurlé “Putain Morgan accroche toi”
J’ai compris que c’était très grave. Ma mère s’est faufilée sur la quatrième bande et ensuite sur la cinquième s’intercalant au milieu des voitures dont les pneus crissaient à force de vouloir elles aussi s’arrêter. Une autre voiture à notre droite tournait comme si elle faisait une valse sauf que cette valse là était plutôt macabre. En un millième de seconde, j’ai vu ma vie défiler et je me suis dit “Tant pis s’il nous heurte, advienne que pourra!” (c’est étrange ce que l’on a le temps de penser comme conneries dans ces cas-là!).
La Citroën se trouvait presque à notre hauteur, maintenant sur la gauche, sur la bande d’arrêt d’urgence où le conducteur essayait de s’arrêter (en Amérique il existe souvent une bande d’arrêt d’urgence sur l’extrême gauche). Nous étions toujours sur la cinquième voie. Les voitures devant nous essayaient de s’écarter vers la droite, ce qui n’était pas facile vu les embouteillages. Nous avons encore entendu un terrible bruit quand le camping car a frappé la berme centrale et je savais qu’il allait revenir vers nous déporté par le choc, c’était inévitable. Au même moment la cinquième file avance un tout petit peu et ma mère donne un incroyable coup d’accélérateur (merci les chevaux de la Camaro !) pour rejoindre elle aussi la bande d’arrêt d’urgence devant la Citroën et croise à 10 centimètres près le véhicule hors de contrôle qui tape à droite dans la voiture qui était derrière nous il y a si peu de temps, avant de retourner s’encastrer dans la berme centrale et nous poursuivre en glissant inlassablement.
Je nous vois encore accélérer sur cette voie qui n’est pas faite pour rouler (et encore moins à cette vitesse) et j’entends toujours ma mère jurer “Merde, il nous suit toujours”. Et puis, après ce qui m’a paru être interminable, ce fut le silence complet. Ma mère a arrêté la cabrio et je lui ai dit fataliste “Il nous a touché non ?” “Non, je ne pense pas, c’étaient les autres voitures. Tu n’as rien, ca va ?”
Nous sommes sorties très vite pour aider les autres personnes blessées ou prostrées par la vitesse du carambolage. Pas moyen d’ouvrir la porte du camping car, le conducteur a été obligé de sortir par l’arrière. Je l’ai aidé à s’assoir. Il était en état de choc, tout comme son petit bouledogue français tout tremblant. Le reste a pris beaucoup de temps, police, ambulances, cris, dégâts …
Grâce à Dieu, à la Chevrolet Camaro et à la conduite experte de ma mère, plus de peur que de mal. J’ignorais que ma mère pouvait à ce point garder son sang froid et conduire comme dans les films américains. C’est drôle, mais ce fut ma première pensée après en être sortie indemne. On aurait dit Fast and Furious. Je sais c’est con, ca doit être le stress. Nous n’avons pas été touchées. Nous ne sommes pourtant pas passées loin d’une terrible catastrophe. Il y a eu des blessés mais heureusement pas de morts.
Je me souviendrais longtemps de ce van et des micro secondes suivantes. La vie peut être tellement vite endommagée. J’aurais au moins appris qu’il faut profiter au maximum, sans se casser la tête avec des détails insignifiants avant que la vie ne nous enlève ce que nous avons de plus précieux. J’ai beaucoup pensé aux blessés et à ce vieil homme et son chien qui semblaient tellement heureux avant tout cela.
La van à l’origine de l’accident est finalement celui qui a été le moins touché par rapport aux dégâts des autres voitures.
Et le plus étrange, c’est que l’homme a absolument tenu à venir nous embrasser pour nous remercier d’être venues l’aider alors qu’il avait failli nous mettre dans le décor.