Il y a tellement de villes mortes dans l’ouest américain que vous en croiserez toujours quelques unes sur votre parcours. N’hésitez pas à plonger avec curiosité dans leurs âmes du temps passé. Ces endroits mystérieux valent souvent la peine de flâner quelques instants et de remonter le temps.
En venant du Lake Tahoe vers la Vallée de la Mort (à la hauteur du Yosemite Park), vous passerez non loin de Bodie. Bien que toujours en Californie, elle se trouve pratiquement à la limite de la frontière du Nevada et culmine avec fierté à 2500 mètres d’altitude.
La route chaotique et longue qui y mène est parfois fermée en hiver, prévoyez donc de vous y rendre en dehors des tempêtes de neige (pour peu que vous sachiez qu’il y en a!).
Le passé
L’histoire de cette ville morte ne diffère pas de celle de beaucoup de ghost towns aux Etats-Unis.
Une ruée vers l’or rapide, des gisements miniers fertiles, une conquête inattendue, et puis soudain, une absence de tout ce qui a fait qu’on s’y est installé. C’est ensuite rapidement le départ vers un avenir qu’on espère meilleur. Le début du déclin est en route. Des incendies à répétition, dont le plus important en 1932 engloutissant près des trois quarts de la ville, ont eu raison de la prospérité de Bodie. Jusqu’en 1962, la ville abritait pourtant encore quelques rares personnes, avant de définitivement devenir un parc national l’année suivante.
Bodie est exceptionnelle par sa taille mais aussi par son état préservé. En plein cœur du désert, on voit soudain apparaître de petites habitations qu’on dirait posées dans la vallée. C’est en 1859, que W.S. Bodey a découvert de l’or dans le sol du site. Les chercheurs se sont alors rués sur Bodie pour en faire en 1880 la deuxième plus grande ville de la Californie avec 11.000 habitants et plus de 2.200 maisons. Grâce à son chemin de fer, sa prison, ses 70 saloons et ses nombreuses banques, ce furent près de 100 millions de dollars qu’ont rapporté les 32 mines.
Bodie, ville emprunte de souffre fut aussi le repère de brigands en tout genres. Les meurtres, vols et bagarres font partie du quotidien d’une journée normale à Bodie. En 1881, le révérend F.M. Warrington décrivait d’ailleurs la ville comme : “Une mer de péchés, battue par les tempêtes de la luxure et de la passion”.
Aujourd’hui
Seuls 10 % des bâtiments sont encore visibles à l’heure actuelle. Tout y est laissé dans l’état où ils ont été trouvés. Des rangers, sur place toute l’année, s’occupent de la surveillance et de l’entretien du site. Ils nous préviennent d’emporter de l’eau car la chaleur y est étouffante. Et ils avaient raison ! Des locaux silonnent le site à cheval en costume d’époque, cela rajoute encore au caractère étrange des lieux.
J’ai particulèrement apprécié de ne trouver dans cette ville aucune boutique de souvenirs ou de reconstitutions hasardeuses. Tout y est authentique. Cela signifie aussi que certaines maisons sont fermées au public et que le site est nu de toute activité et achat touristique.
Il reste néanmoins les milliers d’outils d’époque, diligences, carcasses de voiture, pompes à essence pour nous éblouir. Ici c’est le paradis des photographes. Dans chaque coin, quelque chose à mitrailler avec son appareil : un atelier de réparation, une vieille bouteille posée à côté de boots usagées, une incroyable boutique de croque-mort. Sans oublier la mine aux tons bleus qui trône en bas de la plaine.
Des habitants surprenants.
Si vous avez de la chance, un des rangers vous contera l’histoire des fantômes qui peuplent encore la ville. Au coin de la maison Cain, il y a celle de cette domestique chinoise qui effrayait les habitants en s’asseyant sur leur poitrine durant leur sommeil. Dans la maison des Mendocini, vous sentirez peut être l’odeur de la délicieuse cuisine italienne de la maîtresse des lieux. En passant devant la Gregory House, vous verrez éventuellement le rocking-chair bouger seul. L’esprit de la vieille dame qui y est assise n’est pas avare de se montrer selon notre interlocuteur. La stèle d’un jeune enfant dans le cimetière se déplace parfois au gré des envies du fantôme. On entend aussi le hennissement régulier de chevaux sauvages néanmoins invisibles ou les voix lointaines des anciens citadins.
Me ferez-vous part de votre expérience à Bodie ?