Suis-je anthropomorphique ?

L’anthropomorphisme est l’attribution de caractéristiques du comportement ou de la morphologie humaine à d’autres entités comme des dieux, des animaux, des objets, des phénomènes, voire des idées.

Avez-vous une attitude anthropomorphique (comme moi, je le confesse) ?

Selon une hypothèse à la mode chez les anthropologues, nous serions génétiquement programmés pour être émus par les petits animaux aux grands yeux ronds tels les chiots et chatons qui nous font gagatiser à souhait.

Premier point en ma faveur, pratiquement 98 % des tueurs en série ont commencé par torturer des animaux, cela fait donc de moi une personne normale non ?

J’ai lu que Freud affirmait tout enfant être un pervers polymorphe arrachant les ailes des mouches, brisant les ailes des oiseaux blessés. Diantre, au grand jamais je n’ai eu un tel comportement.

Lors de mes différents voyages, j’ai pu constater combien l’animal possède un statut différent selon les pays, les contrées et les religions. Il n’est pas rare de voir certains animaux être maltraîtés au nom d’une culture (ou peut-être justement d’une inculture). Pensez par exemple aux chiens dépecés et mangés en Chine car animaux non domestiques et comestibles, pensez à l’Islam décrétant le chien plus impur encore que le porc (les anges ne rentrent pas dans un foyer possédant un chien). D’ailleurs, n’est-ce pas aussi de l’anthropomorphisme de rendre un ange humain ?

Bref, tout ceci est souvent une question de descendance culturelle. Les émotions sont le résultat de ce que nous avons appris dès notre enfance. Doit-on impérativement avoir ressenti l’amour et la compassion pour pouvoir le donner aux animaux ? A-t-on le droit de se sentir supérieur à toute autre créature sur terre ?

Les bien-pensants vous diront parfois qu’une sensibilité débordante envers les animaux est un substitut à la solitude. Cependant, ce sont souvent dans les familles que vivent les animaux de compagnie, démentant du coup cette affirmation. Nos toutous nous attendrissent et nous font sourire. Ils font partie de notre équilibre affectif. En leur présence, nous produisons de l’ocytocine, l’hormone de l’attachement, et facteur de bien-être. Que demandez de plus ?

Un jour où je récoltais des vivres pour mon association, un homme est venu me crier dessus qu’il fallait s’occuper d’abord des humains avant de penser aux animaux, qu’il trouvait scandaleux que je m’occupe d’êtres inférieurs. Je suppose qu’il pensait m’empêcher ainsi d’avouer tout sentiment amical pour l’animal et me culpabiliser. Je lui ai juste répondu qu’à chacun son combat, qu’il existait des personnes comme lui pour s’occuper des humains et qu’il le faisait sans doute de manière admirable mais que moi j’avais choisi une autre cause. Ce qu’il en a pensé ensuite m’est complètement égal.
Les plus grands humanistes comme Gandhi, Montaigne, Hugo n’ont-ils pas également été des protecteurs des animaux ? J’ajouterai que la récente étude “Pourquoi les gens ont-ils la même tête que leurs chiens” de Serge Ciccotti et Nicolas Guéguen montre que communiquer avec un animal développe nos capacités d’adaptation et de communication avec le genre humain.

L’idée que, en cas  de catastrophe naturelle, on sauvera avant tout son animal avant de risquer sa vie pour un humain inconnu choquera probablement beaucoup de monde. Pourtant je fais partie de ceux-là.

capture-decran-2017-01-27-a-12-42-39Le philosophe australien Peter Albert David Singer défenseur de la « libération animale », auteur de L’égalité animale expliquée aux humains et professeur de bioéthique à l’université Princeton aux États-Unis, est le précurseur de l’« antispécisme », une doctrine qui prône l’égalité de tous les êtres sensibles et combat l’idée de la supériorité naturelle de l’homme. Selon Peter Singer, il faut tenir compte des intérêts de l’animal, le traiter de manière équitable, le respecter, vivre en harmonie avec lui, ne pas le tuer pour sa viande ou sa fourrure, ne pas l’exploiter car il est notre égal.

Du coup, on se retrouve à des années lumières de l’idée qu’un Dieu a un jour offert à l’homme l’immense pouvoir de décider quelles créatures il peut impunément massacrer ou non. Si on analyse scientifiquement le chemin hasardeux de notre évolution, on se rend immédiatement compte que nous ne sommes supérieurs que grâce quelques coïncidences génétiques. Alors pourquoi cette supériorité auto proclamée ?

Plus récemment, Aymeric Caron dans son essai “République du Vivant au secours des animaux.” se lance dans un intéressant écrit. Cet écrivain et journaliste prône le respect le « dogme en vigueur » du spécisme, les discrimination liées aux espèces.

capture-decran-2017-01-27-a-12-42-10Aymeric Caron, végétarien depuis les années 1990, élargit le sujet déjà vaste, en proposant un modèle de société banissant toute exploitation animale. Il préconise de ne plus ingurgiter de viande ni de poisson, pas plus que des œufs, du fromage ou du lait, de ne  plus utiliser de cuir ou de fourrure, de boycotter les zoos, les cirques et les corridas. Il souhaite réconcilier l’humain, l’animal et la nature.

En infériorisant l’animal, on justifie les actes de cruauté. Une distance émotionnelle permet de ne pas se sentir impliqué dans la souffrance.

Ma mère admirative m’a souvent parlé de Matthieu Ricard qu’elle a rencontré dans le cadre d’une conférence avec le Dalai Lama. Il est un docteur en génétique cellulaire, moine bouddhiste tibétain, auteur et photographe. Il réside actuellement au monastère de Shéchèn au Népal.  Il a été déclaré l’homme le plus heureux du monde, non pas par lui-même mais par Richard Davidson, un neurobiologiste britannique, qui douze ans durant, a étudié et posé des capteurs sur la tête de Matthieu Ricard pour arriver à cette conclusion.

capture-decran-2017-01-27-a-13-36-55On peut lire sur son site internet que Matthieu Ricard nous invite tous à étendre notre bienveillance à l’ensemble des êtres sensibles dans l’intérêt des animaux, mais aussi des hommes.

Nous tuons chaque année 60 milliards d’animaux terrestres et 1 000 milliards d’animaux marins pour notre consommation. Un massacre inégalé dans l’histoire de l’Humanité qui pose un défi éthique majeur et nuit à nos sociétés : cette surconsommation aggrave la faim dans le monde, provoque des déséquilibres écologiques, est mauvaise pour notre santé. En plus de l’alimentation, nous instrumentalisons aussi les animaux pour des raisons purement vénales (trafic de la faune sauvage), pour la recherche scientifique ou par simple divertissement (corridas, cirques, zoos).

Et si le temps était venu de les considérer non plus comme des êtres inférieurs mais comme nos « concitoyens » sur cette terre ? Nous vivons dans un monde interdépendant où le sort de chaque être, quel qu’il soit, est intimement lié à celui des autres. Il ne s’agit pas de s’occuper que des animaux mais aussi des animaux.

Mais redevenons un peu plus léger et terminons cet article avec quelques questions futiles.

Comment savoir si vous êtes un incorrigible anthropomorphique ? Si vous répondez oui à au moins deux questions ci-dessous, bienvenue au club des anthropomorphiques !

Votre chien/chat porte-t-il un prénom humain ?

Selon une enquête, 30% des chiens portent un prénom humain tandis que 56% des propriétaire d’animaux ont un diminutif affectueux comme bébé, pitchoune, pupuce. Ceci reflète avant tout la relation entre le maître et son chien.

Avez-vous de grandes conversations avec votre animal ?

On dit souvent qu’il ne lui manque que la parole et cela doit être particulièrement vrai puisque 96% des maîtres parlent à leur animal domestique. Pourtant aucun ne leur répond, sauf le mien.

Habillez-vous votre chien ?

La aussi la réponse est oui en ce qui me concerne, mais pour ma défense, je possède un chien nu chinois très sensible au froid. Finalement c’est faux, même le chihuahua possède une extraordinaire garde robe digne de la famille Kardashian.

Votre animal dort-il à l’intérieur ?

Heureusement, beaucoup de chiens ne dorment plus à l’extérieur – sauf celui de mon voisin qui couche dans sa niche par – 5 degrés celsius.

Le chien dort-il dans un panier ? dans un canapé ? sur le lit ? Je n’en suis pas encore à laisser les animaux dans des hôtels de luxe avec un valet privé mais j’avoue que les savoir heureux lorsque je suis en vacances fait partie de mon bonheur.

Envoyez-vous une carte d’anniversaire à votre chien ?

Oui oui et oui. Je leur offre aussi des friandises spéciales et des cadeaux de Noël. Sans oublier qu’ils signent les cartes de voeux pour mes grands-parents.

Pleurez-vous au décès de votre animal favori ?

Les propriétaires d’animaux le savent, il est difficile de se séparer de son compagnon à quatre pattes avec qui on a vécu tellement d’aventures. La douleur ressentie lors de sa mort est comparable à celle d’un être cher même si inégalable à celle ressentie pour ses parents proches.

Laissez-vous la télévision allumée ?

Là je réponds non. Certains d’entre vous pensent que si le chien reste seul il va s’ennuyer et lui laisse de quoi se divertir. J’en ai connu qui prétendaient que le chien avaient ses émissions favorites.

Bref, l’anthropomorphisme est omniprésent dans la relation avec notre compagnon à quatre pattes mais je ne me sens ni coupable ni ennuyée d’aimer parfois plus mes animaux que certaines personnes.

Text  ©Morgan Mc Kenzie