C’est en juillet 1968 que l’American Indian Movement (AIM) fut fondé à Minneapolis et devint l’expression du mouvement Red Power. C’était trois mois après les soulèvements qui secouèrent le pays à la suite de l’assassinat de Martin Luther King.
Petit rappel historique :
Le 29 décembre 1890, le 7e régiment de cavalerie des États-Unis a tué au moins 370 personnes à Wounded Knee, dans le Dakota du Sud. Ce massacre est souvent cité comme marquant la fin des guerres indiennes et le début d’une politique d’assimilation totale qui durera jusque dans les années 1970.

Wounded Knee fut une atrocité historique de plus, mais l’adoption de la loi Dawes de 1887 et sa politique désastreuse d’assimilation forcée le furent encore plus. Cette loi réduit systématiquement les terres détenues par les autochtones et tente de les intégrer au capitalisme américain en annulant toute notion de propriété collective et en “donnant” à peine 160 acres à chaque chef de famille indien.
L’une des dispositions les plus importantes de la loi était que les terres excédentaires étaient mises à la disposition des colons, des chemins de fer, des sociétés et des parcs nationaux et il en restait évidemment beaucoup.
C’est à cette époque que la politique frontalière a séparé les enfants immigrés de leurs familles. De nombreux enfants autochtones ont été arrachés à leur foyer et envoyés dans des pensionnats qui visaient à débarrasser les enfants de leur langue et de leur culture et à leur apprendre un métier pour en faire les rouages utiles de l’économie américaine.
En 1934, Franklin Delano Roosevelt a voté la loi de réorganisation qui redonnait un certain niveau de souveraineté aux Indiens en “créant” officiellement un gouvernement élu par la tribu. Les constitutions tribales devaient être impérativement approuvées par le gouvernement fédéral et ne pouvaient contenir aucune forme de gouvernance traditionnelle. Vous imaginez à quel point les choses étaient compliquées et peu faisables.

Comment a débuté le Red Power :
Dans les années 1950, les Amérindiens vivaient soit dans des réserves indiennes extrêmement pauvres, soit dans des centres urbains souvent appelés “ghettos rouges”.
L’intense pauvreté des réserves a obligé de plus en plus d’indigènes à essayer de trouver un travail en ville pour survivre.
La politique de “résiliation” visait une assimilation totale et permettait au gouvernement américain d’éliminer tout type de revendication territoriale ou de droits issus de traités. Ceci devait aider à mettre enfin un terme au “problème indien”.
Les responsables politiques ont alors sélectionné les nations amérindiennes qu’ils considéraient comme les plus “avancées” pour éliminer leurs réserves et toute relation fédérale avec Washington.

La nation Menominee, dans le nord du Wisconsin, fut la première tribu à être écrasée. Elle tomba sous l’autorité de l’État, comme s’il s’agissait d’un simple comté sans aucune identité nationale. Les terres devinrent ensuite faciles à vendre et à privatiser.
Les Menominee furent pratiquement exterminés. Le but était d’étendre cet essai fructueux pour le gouvernement à toutes les autres nations autochtones des États-Unis.
Pour que les Amérindiens quittent la réserve et que les terres puissent leur être reprises, des tickets de bus aller simple étaient donnés aux autochtones avec la promesse de bons emplois et d’une vie facile. Ceci entraîna un afflux de personnes dans les grandes villes. Faut-il préciser qu’aucun travail ne leur fut fourni, et encore moins une vie facile, les blancs continuant à les voir comme des sauvages.
On peut comparer ceci à la grande migration des Afro-Américains du Sud vers le Nord il y a 100 ans, sauf que dans ce cas, il s’agissait d’une politique gouvernementale officielle et que les Amérindiens étaient chassés de leurs propres terres.
Ces populations étaient sans cesse confrontées au profilage racial de la part de la police et constituaient l’un des groupes les plus représentés à tort en prison. En 1968, au moment de la fondation de l’AIM, les Indiens représentaient environ 10 % de la population de Minneapolis et 70 % de la population carcérale de la ville. Ils étaient persécutés et bon nombre furent enfermés pour avoir juste « mal » parlé à un blanc et parfois même sans raison.

Certains Indiens des centres urbains ont commencé à réclamer les droits en matière de soins de santé qui leur avaient été garantis dans les traités antérieurs. À l’époque, il était impossible de trouver un service de santé qui acceptait les indiens en dehors des réserves.
La naissance du mouvement indien américain :
Alors que de plus en plus d’Indiens se radicalisent à cause du chômage et de la violence policière, c’est en juillet 1968 à Minneapolis, que Eddie Benton Banai, Clyde Bellecourt, George Mitchell et Dennis Banks fondent le American Indian Movement.

L’objectif initial du groupe était de lutter contre la violence policière. L’AIM a collecté des fonds pour équiper les voitures de radios, de caméras et de magnétophones afin de pouvoir suivre les arrestations effectuées par le service de police. Lorsque la patrouille AIM entendait la police envoyée dans certains bars ou à certains coins de rue, les agents AIM observaient attentivement leurs actions. L’AIM fournissait aussi des avocats pour les personnes arrêtées.
Même si l’organisation se développe à un rythme rapide, elle est confrontée au problème de la déconnexion des populations et au fait de ne pas avoir de racines dans les réserves.
La situation a radicalement changé en février 1972, après le meurtre d’un membre de la tribu Lakota à Gordon, dans le Nebraska. Comme dans de nombreuses villes frontalières de la réserve, les relations entre Indiens et Blancs étaient extrêmement tendues. Il n’était pas rare d’entendre les gens dire que le seul bon indien était un indien mort.
C’est dans cette atmosphère que Raymond Yellow Thunder fut battu à mort par deux individus sans qu’aucune sanction ne suive. L’AIM a exigé que justice soit faite. Cette réaction inattendue des Indiens a obligé les autorités à condamner les coupables pour meurtre, même si la condamnation fut faible.
Ce succès d’AIM a probablement montré au gouvernement une capacité à rassembler des personnes intentionnellement séparées : les autochtones des villes et ceux des réserves.
L’occupation de Wounded Knee :
L’action la plus mémorable de l’AIM a été l’occupation durant 71 jours de Wounded Knee au début de 1973.
Plus de 200 Sioux oglalas armés et accompagnés de militants de l’American Indian Movement occupent la localité de Wounded Knee, au cœur de la réserve indienne de Pine Ridge, en protestation de la corruption du président du conseil tribal Dicky Wilson et de la brutalité de sa milice paramilitaire privée à l’encontre de la population.

En quelques heures, plus de 2.000 agents du FBI, des policiers fédéraux et des représentants du Bureau des affaires indiennes cernent la localité et organisent un blocus avec des véhicules blindés et de nombreuses armes. La présence massive de médias internationaux et le caractère symbolique de Wounded Knee dans l’imaginaire collectif, rendent l’assaut impossible pour l’administration américaine qui n’ose pas lancer l’assault. Pour rappel, en 1890 eut lieu le massacre du Chef Sioux Big Foot et de sa tribu composée de 370 membres. Les os d’un autre Chef Sioux Crazy Horse seraient enterrés à Wounded Knee.

Le siège dure 71 jours. Le 8 mai, les militants se rendent.
Répression et déclin :
Après l’occupation de Wounded Knee, la force de l’AIM a largement diminué à cause de la répression du gouvernement.
Le FBI a d’abord infiltré l’AIM via Douglass Durham, directeur de la sécurité du groupe. Plus aucune action n’était secrète.
Une autre tactique du gouvernement américain contre l’AIM consistait à obliger les personnes arrêtées à Wounded Knee à subir de longs et très coûteux procès qui mettraient l’organisation en faillite. Dans tout le pays, les membres de l’AIM étaient inculpés de charges parfois mineures pour lesquelles ils devaient être représentés au tribunal. Le seul objectif était de mettre l’organisation en faillite.
Enfin, le gouvernement accusa honteusement Leonard Peltier du meurtre de deux agents du FBI lors d’une fusillade à Pine Ridge en 1975. Le FBI finit par admettre plus tard qu’il ne savait pas qui avait tué les agents, mais qu’il fallait absolument mettre Peltier derrière les barreaux. Peltier devait être libéré sur parole en 2009, mais Barack Obama a refusé de le gracier ou de commuer sa peine. Il purge toujours deux peines de prison à vie.
Cependant, l’objectif de l’AIM est loin d’être atteint. Les autochtones sont toujours pris pour cible par la police. Selon le Center on Juvenile and Criminal Justice, les Amérindiens ne représentent que 0,8 % de la population, mais sont 1,9 % des personnes tuées par la police. Les droits issus de traités restent toujours un combat important.
It makes my heart sick when I remember all the good words and the broken promises.
Chief Joseph