Ma mère ? Ange et démon mais je l’adore

Je sais, ce n’est pas très courant d’écrire un article sur sa mère, mais j’avais envie de partager avec vous ce petit texte.

Pour ceux qui la connaissent, c’est un fabuleux chef d’entreprise, elle réussit tout ce qu’elle crée. Elle ne dort pas et travaille tout le temps. Jusqu’à mes cinq ans, je ne l’ai presque pas vue, elle partait tôt et rentrait très tard, toujours occupée à milles activités.

Mon père ne vivait pas toujours avec nous, alors elle a été une mère et en même temps un père. Encore aujourd’hui, je répondrais à ceux qui pensent que je suis une « fille à maman » parce que je reçois beaucoup de choses matérielles, que j’ai probablement eu une éducation bien plus difficile que la leur. J’ai été élevée dans trois langues, et même si c’est plus facile quand on est enfant, cela ne fut pas évident tous les jours. Avoir un huit sur dix à l’école n’était pas suffisant. Je devais être la meilleure, il n’y avait pas d’autre possibilité et la phrase favorite de ma mère était celle de Gene Krantz « Failure is not an option » (l’échec n’est pas envisageable).

Oui, nous voyagions beaucoup, mais chaque jour je devais faire des exercices destinés à des enfants 1 ou 2 ans (quand ce n’était pas 3 ans) plus âgés que moi pour me préparer aux années qui allaient venir. Et pas question d’oublier un seul jour. J’avoue que je recevais pleins de cadeaux, c’est vrai, mais aussi des calendriers journaliers avec un peintre, un tableau, une oeuvre d’art à connaître (365 jours de peinture) …. Le plus étonnant, c’est que j’ai toujours aimé ces petits moments complices où je me plongeais avec ma maman dans l’univers de Vincent Van Gogh ou de Diego Velasquez. Je me suis intéressée très tôt à l’art, l’histoire, la géographie et je sais que c’est aussi grâce à sa détermination, même si mes goûts ont commencé à se former par ma propre personnalité.  J’ai fini mes études de journalisme international avec une année d’avance sans jamais compenser une seule matière à l’université ni utiliser le moindre crédit point et je n’en étais pas peu fière. Aucun autre étudiant ne pouvait en dire autant. Cela semblait normal pour ma mère qui n’en attendait pas moins de sa fille. Elle encourageait néanmoins gentiment  mes amies qui devaient repasser au moins trois examens. Allez comprendre… moi qui n’ai jamais eu un seul échec dans ma carrière estudiantine !

D’autres points négatifs ? Elle est un désastre en cuisine mais elle connaît par coeur les recettes de Philippe Etchebest qu’elle est incapable de réaliser. Elle rate même les produits où il est indiqué « impossible à rater » sur l’emballage (je vous jure que c’est vrai, les croustillons en sachets par exemple!). Elle fait tout de même un spaghetti qui vaut le détour, et … c’est à peu près tout ! Du coup, le bon côté, c’est que nous allons très souvent au restaurant. Elle déteste faire les courses et fera n’importe quoi pour éviter d’y aller ! C’est toujours moi qui le lui rappelle.

Autre particularité de ma mère, elle a un caractère que les hyènes les plus sanguinaires lui envient. Il y a des moments où elle ne supporte personne et s’en fout de ce que l’on pense d’elle. Elle déteste qu’on vienne sonner à la maison sans s’être annoncé et n’hésite pas à le dire pour être certaine que cela ne se reproduise pas.  Vous imaginez facilement qu’il n’y a pas de paillasson « Welcome » devant notre porte car personne n’est le bienvenu sans invitation !

Comme elle fait un métier public, entourée de plein de monde, elle adore aller dans la villa en Arizona … pour ne voir personne. Je vous campe le décor. Le désert à des kilomètres, une chaleur étouffante, des cactus, coyotes, lynx et pumas pour seuls voisins, quand ce ne sont pas des tarentules et des scorpions. Vous imaginez les bruits de la nature quand la nuit est tombée ? Moi oui, je ne ferme parfois pas l’oeil tant le silence humain est effrayant. Avec le voisin à plus d’un kilomètre, aucune chance d’être entendue en cas de problème.

Ma mère a aussi zéro tolérance pour les fautes d’orthographe et la bétise l’indispose particulièrement. D’ailleurs elle le clame haut et fort (en général, c’est le moment où je voudrais me cacher dans un trou de souris). Du coup, vous pourriez penser qu’elle est mal aimée ? Et bien justement pas, et c’est là le plus incroyable. Quand j’étais plus jeune, c’était la mère de la plupart de mes amies. Je ne compte plus le nombre de soirées passées à conseiller mes copines sur les petits amis, les problèmes féminins ou le maquillage.

J’avoue que j’étais un peu jalouse. Je me sentais comme l’enfant que personne n’est venu chercher dans le sketch de Gad Elmaleh, « La sortie de l’école« .

En grandissant, je pensais que ce serait terminé. Mais c’était sans compter sur mes amies. De la mode, c’est passé à la discussion encore plus intime. Les filles qui se cherchaient et hésitaient sur leur orientation sexuelle lui demandaient des conseils, et croyez-le ou non, certains parents l’appelaient même pour qu’elle instaure une discussion avec leur enfant afin de leur faire la morale (on se serait cru dans « Le Grand Frère » version « Ma mère au secours des autres ados »).

Quand j’allais aux anniversaires de mes amis, nous restions toujours chez eux. A ma fête d’anniversaire, c’étaient les parties de bowling, les restaurants branchés, les endroits insolites. Alors tout le monde aimait venir et s’amuser.

Ma mère est aussi un peu … fantasque ? différente ? bizarre ? Je crois que je ne dois pas être sa fille ni celle de mon père d’ailleurs. On m’a échangé à la naissance, n’en doutez pas ! Mes parents sont tous les deux de grands séducteurs, là où je suis prude et un peu vieille France. Il me faut un temps inouï pour me sentir à l’aise et accorder ma confiance. J’avais d’ailleurs fait un petite vidéo sur un sujet similaire en Californie, c’est ici.

Au boulot, (oui je travaille avec elle depuis qu’elle a eu une terrible chute de cheval en Arizona), elle est cinq fois moins tolérante avec moi qu’avec n’importe quel employé à qui elle accorde sans cesse des excuses. « C’est normal, tu es ma fille, tu n’es pas une employée lambda. Tu n’as pas le même seuil d’incompétence. » (euh ?).

Elle est tellement dépensière que parfois elle achète deux fois le même vêtement sans s’en rendre compte. Elle veut la moindre chose qu’elle trouve sympa surtout si elle n’en a pas besoin et que c’est un petit gadget complètement inutile mais tellement « choueeeeette ».

Elle oublie les anniversaires et c’est moi qui les lui rappelle tous. Du coup les gens trouvent tellement charmant qu’elle n’oublie pas une seule date importante.

La liste est longue, mais je n’échangerais ma mère pour rien au monde. Elle est ce que j’ai de plus important et je suis ce qu’elle a de plus précieux. Même si cela me fait sourire, avoir une mère qui se comporte parfois comme une soeur a aussi des avantages.

Et la vôtre, quel contact avez-vous ?