Et puis un jour, ma pire expérience au nord du Mexique en 15 minutes chrono

Du sud  mexicain, je connais les longues plages de sable, les délicieux tacos, les Mariacchis, les temples Mayas et la Tequila. Du nord, je n’avais vu que des reportages sanglants sur les gangs, les cartels de drogue et la police corrompue. Pas de quoi me donner envie de visiter les lieux. Qui ne se souvient pas du film Traffic ou plus récemment Sicario ?

mexican

Je précise, sans vouloir stigmatiser la région, que certains lieux au nord du Mexique sont nettement plus connus pour leur criminalité que pour leur sens inné de l’accueil touristique.

Pourtant, j’adore les lieux insolites. Je tiens sans doute de ma mère cette passion pour les enquêtes criminelles irrésolues. L’énigme des disparues de Juarez m’a toujours intriguée. Jusqu’à ce jour, je n’ai pas eu l’occasion de m’y rendre, et c’est peut-être mieux d’ailleurs.

Bref, je continue mon histoire. Tout à coup ma mère a l’idée du siècle : « Mais puisque nous ne sommes qu’à quelques miles de la frontière mexicaine, pourquoi nous n’irions pas y jeter un oeil ».

« Ben tiens, excellente idée maman, allons donc nous faire trucider joyeusement. Et puis, personne ne sait où on est si jamais on disparaît. On ne retrouvera jamais nos corps ».

« Cela ne peut pas être si terrible tout de même. On ne s’enfoncera pas dans le pays ».

Avant de quitter Yuma en Arizona, le conservateur de la prison nous déconseille San Luis Colorado. Oui, je sais, cela ne s’invente pas, certains visitent des jardins fleuris, moi je vais voir un pénitencier. Deux femmes seules, clairement peu typées, ne sont pas en sécurité selon le responsable de la prison. « Il n’y a aucune infrastructure sur place et vous ne faites vraiment pas couleur locale. Il n’y a rien à y voir, sauf quelques boutiques sales. »  J’avais déjà compris que, dans le genre camouflage européen, on gagnerait un Oscar, mais pour le rôle de la mère mexicaine et de sa fille, on devra prendre quelques cours supplémentaires.

Inutile de préciser qu’on rentrait ensuite vers la Californie et que les bagages et l’argent se trouvaient dans le coffre de la voiture, mais ça vous l’aviez déjà deviné sans doute.

Pourtant, à la frontière mexicaine, c’est à peine si on nous remarque. Une minute suffit à aller de l’autre côté. Passé la zone US, les policiers mexicains prennent le relais. Ils ont l’air d’avoir à peine vingt ans et s’amusent à se mettre mutuellement en joue avec leurs mitraillettes. L’un d’eux perd son arme qui tombe lourdement sur le sol. Ouf, elle n’a pas tiré. Cela ne semble choquer personne sauf moi !

Nous  roulons au hasard pas loin de la frontière, avant de nous rendre compte qu’hormis une jolie petite église, l’endroit ne nous inspire pas trop. Dois-je vous dire que le responsable de la prison avait raison et qu’il n’y avait rien à voir ? Mais comme je suis accompagnée de Madame La Fouine, pas question de faire demi tour maintenant qu’on y est. Autant partir en exploration.

Mexico

Contre dix dollars pour une mission de haute sécurité, un vendeur de bracelets en tissus est chargé de garder un oeil sur la voiture.

Je me sens un peu comme Clint Eastwood entrant dans le saloon. Tous les regards, y compris celui des chiens errants, (et peut-être même des mouches) sont dirigés vers nous. Vingt fois on nous a demandé si nous cherchions des médicaments, avant que je comprenne enfin qu’il s’agissait en réalité de drogue.

Après un énième refus poli de notre part, un « charmant » individu nous traite de « filles de putes » en espagnol. La tête de ma mère !! Je la voyais déjà se retourner et gifler violemment le mec, puis le prendre par le col de son tee-shirt et lui sommer d’être poli. Il n’allait pas hésiter à nous coller une balle dans la tempe. Nos cadavres seraient enterrés dans le désert et personne n’entendrait plus parler de nous, sauf peut-être les Expert Las Vegas en mission spécial Mexique. Je ne reverrai plus jamais ma famille, mes chiens, mes amis … Adieu vie de rêve…. Heureusement, elle me murmure avec son ton coincé : « J’ai bien compris ce que ce con a dit ? » « Oui, je le crains ». « Bon, viens on se tire d’ici. On va finir par avoir des problèmes ».  Ouf, le bons sens l’a emporté pour une fois.

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Le temps d’acheter au prix fort un bracelet au gardien de notre véhicule et nous étions en route vers la frontière américaine.

Penser que faire le chemin en sens inverse allait être rapide était notre deuxième erreur. La sécurité entre la frontière du Mexique et les Etats-Unis est incroyablement complexe et lente.

Nous avons mis près de deux heures à franchir les quelques mètres qui nous séparaient du territoire américain. Aucun centimètre de la voiture ne fut épargné. On présente d’abord son passeport à une caméra avant d’avoir le droit de rejoindre les douaniers.

Pour quelle raison êtes-vous au Mexique ?  J’aurais volontiers répondu « Parce que ma mère voulait savoir si c’était dangereux Monsieur! »

Pourquoi avez-vous passé si peu de temps au Mexique ? Comment ont-ils fait pour savoir qu’on avait traversé peu de temps avant, ils ne nous avaient même pas regardées ? Allez donc essayer d’expliquer à un douanier suspicieux que vous n’êtes pas venues pour acheter de la drogue.

Après un interrogatoire en règle, ils ont enfin décidé de nous laisser rejoindre l’Arizona, non sans nous suivre durant quelques dizaines de miles avec leur véhicule « border patrol » reconnaissable entre mille. Non, nous n’avons pas rendez-vous de l’autre côté de la frontière avec un baron de la drogue et son escorte armée. On est juste des touristes un peu débiles.

border patrol

Criminalité  :

Au moment de notre passage, le chef de la Police des Frontières de San Luis, Francisco Vasquez Bustamante avait été abattu touché par plusieurs balles.

Quelques années plus tôt, autre chef municipal de la police, Luis Rodriguez Soqui, avait été tué, l’enquête ayant conclu à une attaque dirigée par un cartel de drogue.

José Antonio Pineda, chef de la Police préventive, lui aussi avait été exécuté, ainsi que Jésus Zamora ayant travaillé précédemment comme bras droit du chef de la police.

Autant cette petite ville frontalière avait été épargnée par les règlements de compte jusque là, autant elle devenait maintenant la scène de violences liées aux cartels de drogue.

Le journaliste Benjamin Flores Gonzalez avait fait un reportage sur les narco trafiquants avant d’être lui aussi froidement abattu à San Luis Colorado. Le journaliste accusait certains membres de la Police de complicité dans le vol de plus d’une demie tonne de cocaine.

Plus tard dans l’année, Jésus Bueno Leon, éditeur d’un journal a aussi été retrouvé mort de blessures par balle. Il était l’un des sept journalistes accusés de diffamation criminelle par un puissant ancien fonctionnaire de l’Etat qu’ils avaient lié au meurtre d’un éminent avocat.

Bref, pas certain que visiter San Luis Colorado était une bonne idée.

cocaine

En conclusion, le Mexique c’est la fiesta, les cocktails et les plages à perte de vue, mais ce sont malheureusement aussi les vies brisées par les cartels de drogue et la pauvreté.